Musique et Droits humains (#9)
En 1978, Jean-Loup Dabadie compose la chanson « L’assassin assassiné« , un plaidoyer tout en finesse contre la peine de mort. Une fois son morceau achevé, il parvient à convaincre Julien Clerc, un de ses plus brillants interprètes, de chanter cette chanson en direct dans une émission sur FR3.
Aussitôt, le titre connaît un fort impact. Robert Badinter, farouche partisan de l’abolition envoie une lettre de félicitations au chanteur.
Julien Clerc enregistre la chanson l’année suivante sur l’album « Sans entracte »; deux ans avant l’abolition de la peine de mort en France.
Une chanson à réécouter à la veille du 10 octobre, journée internationale contre la peine de mort…
Je voulais faire une chanson
D’amour peut-être
À côté de la fenêtre
Quelqu’un que j’aime et qui m’aimait
Lisait un livre de Giono
Et moi penché sur mon piano
Comm’ sur un établi magique
J’essayais d’ajuster les mots
À ma musiqueLe matin même, à la Santé
Un homme, un homme avait été
Exécuté
Et nous étions si tranquilles
Là, au cœur battant de la ville
C’était un’ fin d’après-midi
À l’heure où les ombres fidèles
Sortant peu à peu de chez elles
Composent doucement la nuit
Comm’ aujourd’huiIls sont venus à pas de loup
Ils lui ont dit d’un ton doux
C’est le jour, c’est l’heure
Ils les a r’gardés sans couleur
Il était à moitié nu
« Voulez-vous écrire une lettre? »
Il a dit « Oui » il a pas pu
Il a pris une cigarette
Sur mon travail tombait le soir
Mais les mots restaient dans le noir
Qu’on me pardonne
Mais on ne peut certains jours
Écrire des chansons d’amour
Alors j’ai fermé mon piano
Paroles et musique de personne
Et j’ai pensé à ce salaud
Au sang lavé sur le pavé
Par ses bourreaux
Je ne suis président de rien
Moi je ne suis qu’un musicien
Je le sais bien
Et je n’prends pas de pose
Pour dire seulement cette chose
Messieurs les assassins commencent
Oui, mais la société recommence
Le sang d’un condamné à mort
C’est du sang d’homme, c’en est encore
C’en est encore
Chacun son tour, ça n’est pas drôle
On lui donne 2, 3 paroles
Et un peu d’alcool
On lui parle, on l’attache, on le cache
Dans la cour un grand dais noir
Protège sa mort des regards
Et puis ensuite, ça va très vite
Le temps que l’on vous décapite
Si je demande qu’on me permette
À la place d’une chanson
D’amour peut-être
De vous chanter un silence
C’est que ce souvenir me hante
Lorsque le couteau est tombé
Le crime a changé de côté
Ci-gît ce soir dans ma mémoire
Un assassin assassiné
Assassiné
Assassiné
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