Seigneur, je viens d’écrire une lettre…
Je viens d’écrire pour un homme, un homme qu’on a arrêté et emprisonné, un homme que je n’ai jamais vu et que je ne verrai sans doute jamais… à moins que, un jour…
Je viens d’écrire pour un homme, Seigneur, un homme dont, hier encore, j’ignorais même l’existence, un homme dont maintenant je connais le nom, le nom et le prénom…
Je viens d’écrire pour un homme, un homme dont on m’a dit l’immense détresse et l’horrible souffrance; pour un homme condamné, condamné pour avoir choisi de défendre la justice et la liberté de s’exprimer, comme l’autorisait pourtant la loi de son pays…
Je viens d’écrire pour un homme, un homme dont l’univers de vie n’est plus que la prison, le cachot, les interrogatoires sans fin sous la torture ou le séjour illimité en hôpital spécialisé…
Je viens d’écrire pour un homme, un homme dont on a décidé la mise en isolement total, comme pour le rayer de la terre des vivants, comme pour le faire oublier, pour qu’il n’existe plus.
Alors je viens d’écrire une lettre, Seigneur, comme l’on fait beaucoup d’autres de mes frères et soeurs, pour que cet homme ne soit plus ignoré, considéré comme disparu, tenu pour mort mais, au contraire, qu’il soit connu et reconnu comme Vivant…
… Seigneur, je viens d’écrire une lettre.
Texte communiqué par Soeur S. Jacob (session Droits de l’homme – Issenheim, 2-3/12/1989)
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