Oser être heureux
Tu n’oses pas être heureux, alors que tu as la raison la plus indiscutable de l’être : le Dieu tout-puissant, ton créateur et celui de toutes choses, t’aime divinement, c’est-à-dire infiniment, et t’aime de toute éternité, et t’aime personnellement; il désire que tu deviennes un saint, mais en attendant, il t’aime tel que tu es.
Pourquoi donc cette anxiété qui ne cède pas? Ta foi en cet amour manquerait-elle de force et de stabilité? Ou bien serais-tu habité par un secret besoin d’être content de toi, d’être aimé, non par pure gratuité mais pour tes « mérites » ?
Certes, je ne saurais trop approuver ton désir de glorifier Dieu en toutes tes actions ainsi que le fit le Christ tout au long de sa vie. Et c’est bien que tu pleures tes manquements : l’amour ne peut prendre son parti d’avoir été insuffisamment empressé et dévoué. Mais, de grâce ! N’occupe pas tout le temps que tu passes auprès de ton Père à te lamenter et à te repentir !
(…) Prends garde : tu risques de passer ta vie à contempler en toi tout ce qui n’est pas encore purifié, tous les mobiles souvent imparfaits de tes actes, toutes les défaillances. Et d’omettre par là même de contempler la splendeur du Visage de ton Dieu, de ce Visage où tu pourrais lire l’amour capable de submerger tout coeur d’homme, tous les coeurs de tous les hommes…
Te laisser aimer, oser être heureux, sans restriction, voilà donc en quoi je voudrais que consiste ton oraison.
(…) Au dernier jour, combien de chrétiens, laïcs ou religieux, comprendront tout à coup avec stupeur, en découvrant la Face de Dieu, qu’ils avaient été conviés à vivre leur vie tout livrés à la chaleur de cet éclatant soleil, et qu’ils ont passé leur temps, reclus, dans la cave humide de leur cœur !
Que n’entends-tu le Seigneur te dire : « Oui, je te pardonne tous tes péchés. Et maintenant, qu’il n’en soit plus question, viens te reposer. (…) J’ai tant de dons pour toi ! Mais il m’est impossible de t’en combler si tu n’es pas pauvre et heureux d’être pauvre; mieux, si tu ne me pries pas de t’appauvrir plus radicalement encore. Je ne te demande pas de faire toujours plus, mais d’abord d’être, d’être simplement toi, tel que tu es. »
Père Henri Caffarel (dans « Nouvelles lettres sur la prière » – Ed. du Feu Nouveau)
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